Vous avez une feuille de route.
Des objectifs climat.
Un plan d’action validé.
➡️ Mais… vous sentez que quelque chose cloche. Que les priorités s’effacent. Que le terrain ne suit pas. Que les résultats peinent à émerger.
Vous n’êtes pas seul. En Europe, 80 % des entreprises engagées dans une trajectoire climat n’arrivent pas à réduire leurs émissions au rythme requis par l’Accord de Paris (source : CDP / Oliver Wyman)
Dans l’industrie, où les leviers sont souvent complexes (procédés lourds, investissements longs, dépendance énergétique), le taux d’échec est même supérieur.
Et ce n’est pas qu’une question d’argent ou de technique.
➡️ Les causes profondes des échecs se jouent ailleurs : dans la posture des dirigeants, dans la gouvernance, dans le lien entre la stratégie climat et le business.
Dans cet article, je vous partage :
Pourquoi tant de feuilles de route échouent en profondeur
Les signaux faibles à surveiller dans votre propre organisation
Et comment poser les bases d’une trajectoire réellement utile et crédible pour votre PME ou ETI industrielle.
On y va ?
Depuis 2021, le “plan climat” ou la “feuille de route de transition écologique” est devenu un passage obligé pour de nombreuses entreprises industrielles.
Pressions réglementaires, attentes des donneurs d’ordres, exigences investisseurs, montée en puissance de la CSRD…
Tout pousse les dirigeants à formaliser un document cadre pour démontrer que leur entreprise “se met en mouvement”.
Et sur le papier, c’est plutôt encourageant : selon le baromètre Bpifrance Le Lab / Caisse des Dépôts, plus d’une PME/ETI sur deux affiche aujourd’hui une trajectoire de décarbonation, et 17 % des entreprises européennes affirment avoir mis en œuvre un plan structuré.
(Mais cela ne dit rien de son efficacité réelle…)
Car le problème n’est pas “d’avoir un plan”.
❌ Le problème, c’est ce que l’on fait de ce plan — ou plus souvent ce que l’on n’en fait pas.
Dans les faits, ce que l’on observe massivement en Europe (CDP / Oliver Wyman, 2024), c’est que 80 % des entreprises engagées n’arrivent pas à réduire leurs émissions au rythme requis.
Et dans l’industrie, les cas sont légion où la feuille de route climat, une fois validée en comité de direction, est vite reléguée au rang de document secondaire :
On a “le plan”… mais on continue de piloter l’entreprise comme si la contrainte carbone n’existait pas.
Pourquoi ? Parce que la feuille de route reste trop souvent traitée comme un outil de reporting — utile pour répondre aux attentes externes (clients, labels, audits) — mais non vécue comme un levier stratégique, ni comme une grille de lecture de la transformation business.
C’est là que l’on touche aux causes profondes des échecs :
Quand on gratte sous la surface, les échecs des feuilles de route de transition ne viennent pas uniquement de “mauvaises pratiques”.
Ils trouvent leurs causes dans des mécanismes plus systémiques : des postures, des biais, des décalages profonds entre l’outil (la feuille de route) et la façon dont l’entreprise pilote son activité.
Voici les racines de ces échecs des feuilles de transition, celles que nous retrouvons, mission après mission.
Un plan bien rédigé, des objectifs chiffrés, des fiches action soignées : beaucoup de dirigeants croient que cela suffira.
Mais une feuille de route n’est qu’un outil parmi d’autres — et elle ne peut pas, à elle seule, compenser l’absence de :
cap stratégique clair,
gouvernance dédiée,
moyens alloués,
ou alignement avec le business model.
Quand la feuille de route devient un objet de communication ou de conformité — un document que l’on produit pour montrer qu’on “a un plan” — elle échoue mécaniquement à provoquer un changement réel.
Dans l’industrie, les cycles de décision restent majoritairement tournés vers le court et moyen terme :
sécuriser les volumes,
optimiser la production,
gérer les coûts matière et énergie,
préserver le cash.
Dans ce cadre, une feuille de route climat, si elle n’est pas directement connectée à ces préoccupations, reste perçue comme un “à côté”.
Elle ne pèse pas face aux urgences de production ou aux arbitrages quotidiens.
Et plus l’entreprise est en tension, plus le réflexe est de repousser l’agenda climat au second plan.
Ce que montre très bien l’étude conjointe Bpifrance Le Lab / Caisse des Dépôts de 2024, c’est que de nombreux dirigeants sous-estiment encore profondément le sujet climatique comme facteur de transformation.
68 % ne le placent pas parmi les 3 risques majeurs pour leur activité
16 % seulement ont engagé un diagnostic de vulnérabilité au changement climatique
Cela crée des biais puissants :
On surestime ce que l’on fait déjà (“on n’est pas les pires”)
On sous-estime les transformations à venir (“on verra plus tard”)
On réduit la transition à des actions périphériques (RSE, com’, achats responsables…)
C’est un travers culturel.
En France, beaucoup d’entreprises ont développé un discours RSE sophistiqué… sans avoir pour autant mis en mouvement leur cœur de métier !
On parle beaucoup d’empreinte carbone, de neutralité, d’objectifs 2040.
❌ Mais dans les usines, dans les entrepôts, dans les chaînes d’approvisionnement, les flux n’ont pas changé.
Les décisions d’investissement se prennent encore sans intégrer le carbone comme contrainte critique.
Les feuilles de route restent trop “hors-sol”, portées par des fonctions support, sans ancrage dans les décisions qui comptent.
C’est cette fracture entre la communication RSE et la transformation industrielle réelle qui fait échouer tant de plans.
Vous avez une feuille de route climat.
Elle est validée. Vous en parlez à vos clients. Vous en êtes légitimement fier.
Mais… fonctionne-t-elle vraiment ? Va-t-elle réellement transformer votre trajectoire industrielle — ou risquer de rejoindre les 80 % de plans inefficaces ?
Pour le savoir, il suffit souvent d’observer quelques signaux faibles.
Voici ceux qui, en tant que cabinet, nous alertent immédiatement lorsque nous analysons une feuille de route.
Dans 80 % des feuilles de route analysées sur les 24 derniers mois, les indicateurs climat sont… absents des comités de direction réguliers.
Ils figurent bien dans le plan. Ils sont parfois mentionnés lors du lancement.
❌ Mais dans le pilotage courant de l’entreprise, ils n’existent pas.
C’est un biais fréquent dans les PME et ETI industrielles françaises : la transition reste cantonnée aux fonctions RSE/QSE, ou au “projet” climat — et ne remonte pas dans les organes de décision stratégique.
Résultat :
Le climat n’entre pas dans les cycles de décision. Il ne pèse pas face aux arbitrages financiers, RH, commerciaux ou industriels.
Si le COMEX ne lit pas les indicateurs climat… le reste de l’organisation le perçoit très vite.
Faire entrer les indicateurs climat dans la boucle de pilotage stratégique, dès la première année :
En intégrant un KPI climat dans le dashboard COMEX trimestriel
En créant un point “transition” dans les revues de performance
En alignant la trajectoire climat avec les objectifs business
Vous avez listé 15 ou 20 actions dans votre feuille de route ? Très bien. Mais savez-vous précisément :
Quelle quantité de CO₂ sera évitée par action ?
Quel est le rendement climat de chaque euro investi ?
Quelle est la contribution réelle de chaque levier à votre trajectoire globale ?
➡️ Si ces réponses sont floues, ou pire : absentes du document, alors la feuille de route repose sur une vision “sympathique” mais non priorisée.
C’est l’une des principales failles relevées dans l’analyse de Forbes France sur les erreurs fréquentes en stratégie climat (source : Forbes) :
Beaucoup d’entreprises privilégient des actions visibles, sans en mesurer l’impact réel sur le climat.
Vous risquez de déployer beaucoup d’efforts sur des actions à faible impact, par effet de mode (tri, flotte, écogestes…).
Les gains réels sur les émissions globales restent marginaux.
Vous n’êtes pas capable d’arbitrer quand surgit une contrainte budgétaire ou RH.
Vous n’avez aucune base crédible pour vos reporting climat (CSRD, clients grands comptes…).
Prioriser les leviers à haut rendement, en s’appuyant sur :
Un bilan GES structuré (scopes 1, 2, 3)
Une analyse poste par poste des émissions réelles
Un chiffrage précis du “tCO₂ évité” par action planifiée
Une matrice impact / coût pour guider les arbitrages 👉 Nous détaillons cette méthode dans notre guide Comment bâtir une feuille de route utile pour l’industrie.
Si votre feuille de route a été conçue :
par la RSE,
avec l’aide d’un cabinet,
validée par la direction,
❌ … mais sans consultation des équipes opérationnelles — production, maintenance, logistique, approvisionnement — alors le risque d’échec est majeur.
Le climat est un sujet systémique. Il touche :
les process industriels,
les flux de production,
les cycles de maintenance,
l’ergonomie poste,
le comportement quotidien sur site.
Un plan bâti sans ancrage terrain produit des actions :
mal adaptées,
mal comprises,
mal exécutées,
ou… pas exécutées du tout.
Taux de mise en œuvre réel très faible
Résistances passives (“encore un plan venu d’en haut”)
Effet de défiance ou de repli des équipes
Déconnexion entre les ambitions stratégiques et la réalité opérationnelle
Ce travers est documenté dans de nombreuses analyses du terrain industriel (cf. témoignages extraits du rapport en source) :
“Un plan conçu sans le terrain finit dans le tiroir.” — retour d’expérience cité par un directeur QHSE interviewé en 2024.
Impliquer le terrain dès la phase de conception, en :
Organisant des ateliers croisés : production, maintenance, logistique
Intégrant des “référents transition” sur site, identifiés, formés
Collectant les irritants réels ET les leviers perçus
Valorisant les remontées d’idées concrètes (bottom-up) 👉 Lire notre approche sur la gouvernance durable dans la transition
Une feuille de route construite avec le terrain a 3 fois plus de chances de survivre aux priorités court terme.
Un plan sans budget, ce n’est pas un plan. C’est une déclaration d’intention.
Trop de feuilles de route industrielles listent des actions pertinentes… mais aucun budget CAPEX (investissements) ni OPEX (fonctionnement) n’est explicitement fléché pour leur déploiement.
❌ Autrement dit : il n’y a aucune garantie que les actions seront financées.
Dans un environnement industriel soumis à de fortes contraintes court terme (matières premières, coûts énergie, cash…), ce type de plan est mécaniquement repoussé, priorisation oblige.
Les actions structurantes restent bloquées faute de moyens
Les équipes projets “bricolent” sans ressources dédiées
La feuille de route se vide de sa crédibilité interne et externe
Les partenaires et clients constatent un écart croissant entre le discours et le réel
Le baromètre BCG 2024 montre que dans 46 % des PME/ETI industrielles, le frein principal à l’exécution de la transition reste le manque de ressources allouées. Ce n’est pas une surprise.
Flécher dès le départ les ressources associées à la feuille de route :
Identifier les leviers nécessitant un CAPEX lourd → prévoir les enveloppes
Chiffrer les coûts récurrents (maintenance, formation, pilotage) → OPEX dédié
Intégrer la feuille de route dans les cycles budgétaires annuels
Mobiliser les aides publiques disponibles (ADEME, Diag Décarbon’Action, CEE) pour compléter le financement.
💬 Sans budget, pas d’action. Sans action, pas de transformation.
Dans l’industrie, la pression pour démontrer des résultats concrets sur le climat vient de plus en plus :
des clients grands comptes,
des investisseurs,
des banques,
des collectivités territoriales.
La nouvelle donne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) va encore accélérer cette tendance.
Si votre feuille de route climat :
n’est pas reflétée dans vos reporting clients,
ne fait pas l’objet de communication transparente sur les résultats,
ne nourrit pas les KPI ESG attendus par vos partenaires économiques,
… alors vous prenez un risque stratégique croissant.
Les donneurs d’ordres veulent du concret :
indicateurs d’émissions réelles,
% de réduction atteints,
parts des achats décarbonés,
énergie consommée par unité produite, etc.
Sans ce niveau de reporting, vos engagements climat resteront invisibles — ou pires : suspectés de greenwashing.
Risques de déclassement dans les panels fournisseurs
Pertes d’avantages compétitifs sur appels d’offres
Méfiance accrue de certains investisseurs institutionnels
Dégradation de la réputation dans un contexte réglementaire de plus en plus exigeant
C’est ce que souligne Reclaim Finance, qui appelle à une exigence accrue de transparence dans les trajectoires climat publiées.
Mettre en cohérence la feuille de route et les reporting externes :
Construire des indicateurs “parlants” pour les clients (intensité carbone par produit, % de mix bas carbone…)
Publier des résultats concrets sur les progrès et les écarts
Intégrer les résultats climat dans les grilles de reporting RSE et ESG
Préparer le reporting CSRD en s’appuyant sur les indicateurs de la feuille de route 👉 Lire aussi notre FAQ sur les attentes clients et la communication climat
Mieux vaut assumer des écarts que de prétendre à des résultats “parfaits” non documentés. La sincérité pilotée sera bientôt la norme attendue.
Sortir des échecs fréquents des feuilles de route ne passe pas par une nouvelle méthode miracle ou par un énième modèle de plan. Cela passe d’abord par un changement de posture au niveau de la direction.
C’est ce qui distingue aujourd’hui les industriels qui progressent réellement de ceux qui s’épuisent à réécrire des feuilles de route sans impact.
➡️ Premier levier : passer de la feuille de route au pilotage stratégique.
Tant que la transition écologique reste cantonnée à un plan RSE ou un outil de reporting, elle ne pèsera pas face aux cycles d’arbitrage budgétaire, aux décisions CAPEX, ou aux revues de stratégie industrielle. Il faut que le climat entre dans la boucle de décision — et que les KPI climat soient lus, débattus, suivis avec le même sérieux que les indicateurs de performance financière ou commerciale.
➡️ Deuxième levier : travailler l’alignement entre business et climat.
Ce n’est pas une “démarche à côté”, ni un supplément éthique.
Les trajectoires qui réussissent sont celles où la transition est reliée aux enjeux de compétitivité : réduction de dépendance énergétique, sécurisation des chaînes de valeur, réponse aux exigences clients, innovation produit…
Quand la transition devient un levier business, elle cesse d’être perçue comme un coût subi.
➡️ Troisième levier : prioriser la faisabilité terrain.
Les plans hors-sol, les ambitions cosmétiques tuent les dynamiques.
À l’inverse, un plan co-construit avec le terrain — qui respecte les contraintes de production, qui écoute les savoir-faire internes — produit de l’adhésion, des résultats tangibles, et une transformation qui tient dans le temps.
➡️ Quatrième levier : inscrire la transition dans les cycles de décision industrielle.
Trop de feuilles de route vivent sur des cycles annuels déconnectés du tempo réel de l’entreprise.
Un bon pilotage climat se cale sur les cycles de revue industrielle, les plans d’investissement, les budgets maintenance…
C’est dans ces moments-là que se jouent les vraies décisions.
➡️ Enfin, cinquième levier : mettre en place un pilotage vivant.
Le climat n’est pas un sujet figé.
Réglementation, technologies, aides, contexte géopolitique… tout évolue vite.
Votre feuille de route doit être un document vivant, relu, ajusté régulièrement, avec des points de révision stratégique (au minimum une fois par an), et non un plan gravé dans le marbre.
C’est ce que nous mettons en place systématiquement dans les trajectoires industrielles que nous accompagnons — avec un triple objectif :
Piloter la transition comme un levier stratégique
Maximiser le rendement climat des efforts engagés
Créer de la cohérence durable entre terrain, direction et parties prenantes
Si vous vous êtes reconnu dans certains des signaux faibles que nous avons passés en revue, ce n’est pas un problème en soi.
Ce qui compte, c’est de les détecter, de les traiter — et de vous appuyer sur les bons leviers pour remettre votre feuille de route sur de bons rails.
Voici quelques ressources clés pour vous aider à renforcer vos trajectoires climat, et à éviter les écueils les plus courants.
ADEME – Construire sa feuille de route de décarbonation – Méthode rigoureuse et accessible pour PME et ETI industrielles
Diag Décarbon’Action – Bpifrance / Carbone 4 – Dispositif co-financé pour structurer une trajectoire crédible
AMCE – 7 erreurs à éviter dans la stratégie de décarbonation – Une synthèse opérationnelle à jour
9 questions pour évaluer où en est votre entreprise face aux enjeux de la transition. À la clé : un mini-rapport personnalisé avec vos axes de progression et vos leviers prioritaires.
Ce diagnostic rapide vous permet :
de vérifier si votre feuille de route est pilotée, crédible et actionnable,
de repérer les signaux faibles éventuels dans votre organisation,
de prioriser les leviers utiles pour relancer votre trajectoire.
Durée : 5 à 10 minutes
Utilisable par : direction générale, direction industrielle, responsable QHSE / transition…
👉 Accéder au diagnostic en ligne :
Et si vous souhaitez aller plus loin ou poser vos questions, contactez-nous en direct — je me ferai un plaisir d’échanger avec vous.
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