Les industriels européens n’ont plus le choix : la décarbonation n’est plus une option, mais une condition de survie.
Pression réglementaire (Green Deal, Fit for 55), hausse des prix de l’énergie, attentes des clients et investisseurs… l’équation est simple : soit l’industrie s’adapte, soit elle devient non compétitive.
Dans ce contexte, trois “solutions” occupent le devant de la scène : l’hydrogène vert, la captation du CO₂ (CCS) et l’efficacité énergétique. Trois voies très différentes, mais qui partagent une même aura : celle de promesses capables de sauver l’industrie de son passif carbone.
Le problème, c’est que toutes ces options ne se valent pas.
Certaines relèvent de l’urgence pragmatique, d’autres du pari technologique, et certaines encore de la communication politique plus que de la réalité industrielle.
La vraie question est donc claire : quelles solutions peuvent vraiment transformer la donne pour les industriels, et lesquelles risquent d’engloutir des milliards en illusions ?
C’est ce que je vous propose de voir ensemble aujourd’hui.
Depuis cinq ans, l’hydrogène est présenté comme le Graal de la transition industrielle. Gouvernements, énergéticiens, industriels : tous misent sur cette molécule simple, censée nous libérer des énergies fossiles. Les plans d’investissement se chiffrent en centaines de milliards.
Mais derrière l’enthousiasme politique et médiatique, une question persiste : l’hydrogène “vert” est-il une solution crédible à court terme, ou un mirage coûteux qui détourne l’attention des solutions immédiatement disponibles ?
Aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène produit dans le monde est dit “gris”, c’est-à-dire obtenu à partir de gaz naturel, via un procédé extrêmement émetteur de CO₂ (environ 10 kg de CO₂ par kg d’H₂).
L’hydrogène “vert” — celui issu de l’électrolyse de l’eau alimentée par des énergies renouvelables — représente à peine 1 % de la production mondiale (source : IEA, 2023). Autrement dit : l’offre réellement décarbonée est anecdotique.
Le paradoxe est évident : on promeut l’hydrogène comme vecteur de décarbonation, mais on continue à le produire… avec du fossile. Même en Europe, les projets dits “verts” reposent souvent sur un mix électrique encore carboné, ce qui réduit fortement le gain climatique.
👉 Voilà pourquoi les industriels doivent rester lucides.
Miser sur l’hydrogène comme pilier central de leur stratégie, c’est prendre le risque de construire leur avenir sur une filière encore immature. Avant d’y investir massivement, il est crucial d’évaluer précisément son bilan carbone réel, ce que nous faisons régulièrement lors de nos diagnostics de transition écologique pour les entreprises.
Parlons chiffres, parce que c’est là que le rêve se heurte au réel.
Produire un kilo d’hydrogène vert coûte aujourd’hui entre 4 et 6 euros, soit trois à quatre fois plus que l’hydrogène “gris” issu du gaz naturel (source : IEA, 2023). Même avec les baisses de coûts attendues grâce aux électrolyseurs de nouvelle génération, l’écart reste considérable.
👉 Sans subventions massives, la filière n’existe tout simplement pas.
Et ce n’est pas qu’un problème de production. Toute une infrastructure doit être bâtie : électrolyseurs à grande échelle, pipelines dédiés, capacités de stockage, stations d’avitaillement. On parle de centaines de milliards d’euros pour déployer un réseau viable en Europe. Le plan hydrogène français, annoncé à 9 milliards, paraît presque dérisoire au regard des besoins.
Autre point critique, le rendement global. Entre la production, le stockage, le transport et l’utilisation finale, on perd jusqu’à 70 % de l’énergie initiale. Concrètement, pour alimenter un site industriel en hydrogène vert, il faut dédier une quantité colossale d’électricité renouvelable — alors même que l’Europe peine déjà à déployer assez de solaire et d’éolien pour couvrir ses besoins existants.
👉 Autrement dit, l’hydrogène vert n’est pas une solution miracle universelle.
Il pourra être pertinent pour certains usages ciblés (aciérie, chimie, engrais), mais certainement pas pour tout le spectre industriel. C’est précisément ce que nous expliquons dans notre article sur les stratégies de décarbonation industrielle efficaces : se disperser sur toutes les promesses technologiques, c’est s’exposer à un mur de coûts et d’infrastructures.
Tous les usages de l’hydrogène ne se valent pas. Là où il peut devenir un levier décisif, c’est dans les industries lourdes qui n’ont pas d’alternatives simples.
La sidérurgie, par exemple, pourrait remplacer le charbon utilisé dans les hauts-fourneaux par de l’hydrogène, réduisant drastiquement ses émissions. Même logique pour la production d’ammoniac ou de méthanol : l’hydrogène y est déjà utilisé, il “suffit” de le verdir. Ces secteurs représentent les terrains de jeu les plus crédibles.
En revanche, d’autres projets tiennent davantage du délire technologique. Alimenter des voitures ou des camions légers à l’hydrogène, par exemple, relève du contresens : trop coûteux, trop inefficace par rapport à l’électrique à batteries. Quant aux projets de yachts à hydrogène ou de petits avions “zéro émission”, ils relèvent plus du coup marketing que de la stratégie industrielle.
Le risque est clair : si les industriels se laissent séduire par des usages absurdes, ils dilueront leurs efforts et perdront de vue les vraies priorités. L’hydrogène doit être vu comme une solution de niche indispensable, pas comme une panacée.
👉 C’est exactement le type d’arbitrage que nous aidons les entreprises à formaliser : où investir, et où ne surtout pas disperser ses ressources. Dans ce cadre, un cabinet de conseil en transition écologique apporte une boussole précieuse, loin des discours simplistes.
Face à l’urgence climatique, beaucoup d’industriels voient dans la capture et le stockage du CO₂ (CCS pour Carbon Capture and Storage) une planche de salut. L’idée paraît séduisante : plutôt que de réduire les émissions à la source, on continue de produire comme avant, mais on piège le carbone avant qu’il n’atteigne l’atmosphère.
Problème : derrière cette promesse, les limites techniques, économiques et politiques s’accumulent.
Le principe est relativement simple sur le papier : capter le CO₂ émis par une usine (cimenterie, centrale électrique, aciérie), le comprimer, puis l’injecter dans des couches géologiques profondes — aquifères salins, anciens gisements d’hydrocarbures.
En pratique, la technologie existe depuis plus de vingt ans et plusieurs projets pilotes sont déjà en fonctionnement. La Norvège, pionnière du secteur, stocke chaque année environ 1 million de tonnes de CO₂ dans des gisements sous-marins en mer du Nord. La Pologne et les Pays-Bas testent également des réseaux transfrontaliers de transport et de stockage, avec le soutien massif de l’Union européenne.
👉 Mais malgré ces avancées, le déploiement reste minuscule à l’échelle mondiale.
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA, 2023), l’ensemble des projets CCS opérationnels capte environ 45 millions de tonnes de CO₂ par an. À comparer aux 37 milliards de tonnes émises chaque année dans le monde, l’écart est vertigineux.
👉 Autrement dit : oui, la captation du CO₂ fonctionne techniquement. Mais non, elle n’a pas encore la capacité d’infléchir le cours du réchauffement climatique.
Pour les industriels, la CCS ne peut être qu’une solution d’appoint — utile sur des sites spécifiques, mais incapable de remplacer les stratégies de réduction structurelle que nous détaillons dans notre analyse sur la décarbonation industrielle.
Derrière le récit séduisant du “on continue comme avant, mais on capte le CO₂”, se cache une série de verrous redoutables :
Coûts prohibitifs
Capturer une tonne de CO₂ coûte aujourd’hui entre 80 et 120 € selon les procédés (source : IEA, 2023). À l’échelle d’une cimenterie ou d’une aciérie, cela représente des centaines de millions d’euros par an. Ces coûts ne baissent pas significativement avec l’effet d’échelle, contrairement aux énergies renouvelables. Sans subventions massives ou mécanismes de prix du carbone élevés, la CCS reste économiquement intenable.
Des infrastructures titanesques
Capter le carbone n’est que la moitié du problème. Il faut ensuite le transporter (par pipelines ou navires spécialisés) puis le stocker en toute sécurité. On parle de milliers de kilomètres de conduites à construire, de hubs logistiques à sécuriser, de sites géologiques à certifier. En Europe, le projet transfrontalier “Northern Lights” (Norvège–Pays-Bas) illustre bien ce défi : une coopération à plusieurs milliards, encore loin de couvrir les besoins des industries lourdes.
Un rendement énergétique défavorable
Installer une unité de captage sur un site industriel consomme énormément d’énergie, souvent issue du même mix carboné qu’on prétend compenser. En moyenne, la CCS mobilise 10 à 20 % d’énergie supplémentaire pour faire fonctionner les équipements de capture et compression. Autrement dit, on alourdit la consommation globale pour piéger une partie des émissions.
Des incertitudes techniques et sociétales
Stocker du CO₂ dans des couches géologiques suppose qu’il n’en ressorte jamais. Les fuites, même minimes, peuvent ruiner l’efficacité du dispositif. Des incidents passés (fuites dans certains sites expérimentaux aux États-Unis) alimentent la méfiance des populations locales. Résultat : oppositions citoyennes, batailles juridiques, délais de déploiement. À l’échelle politique, la CCS cristallise le soupçon de “permis de polluer”, accusée de retarder les vraies transformations industrielles.
Ces limites expliquent pourquoi la captation du carbone ne doit pas être envisagée comme une stratégie principale. Elle peut avoir du sens pour certaines industries “dures à abattre” comme le ciment ou l’acier, mais croire qu’on peut généraliser la CCS à tout le tissu industriel relève d’un dangereux mirage.
Pour éviter ces impasses, il est crucial de prioriser les leviers éprouvés d’efficacité et de réduction, comme nous le développons dans notre analyse sur les pièges des feuilles de route de transition écologique.
Les projets de captation et stockage du carbone (CCS) ne sont pas qu’un concept de laboratoire. Ils existent déjà, mais leur réalité montre à quel point cette filière reste complexe et limitée.
Depuis les années 1990, la Norvège injecte du CO₂ dans des réservoirs géologiques sous-marins, notamment via les projets Sleipner et Snøhvit, gérés par Equinor. Chaque année, environ un million de tonnes de CO₂ sont stockées en mer du Nord. C’est un succès technologique, mais il faut relativiser : 1 million de tonnes, c’est l’équivalent des émissions annuelles de 200 000 voitures.
À l’échelle mondiale, c’est une goutte d’eau. La Norvège a beau être pionnière, le volume reste insignifiant au regard de son industrie pétrolière.
En 2025, l’Union européenne soutient activement des projets de corridors transfrontaliers pour transporter le CO₂ par pipelines depuis des pays fortement carbonés (comme la Pologne) vers des sites de stockage en mer du Nord. Le projet Northern Lights, qui implique la Norvège, les Pays-Bas et potentiellement la Pologne, illustre cette logique : mutualiser les coûts et sécuriser un exutoire pour les émissions des industries lourdes d’Europe centrale. Mais ces infrastructures coûtent des milliards et suscitent déjà des tensions politiques.
Pourquoi investir autant pour prolonger la vie des centrales à charbon et des cimenteries, au lieu de financer directement leur reconversion ?
Quant à l’Hexagone, il a tardé à s’engager. Des expérimentations ont eu lieu, comme le projet pilote Lacq (Total, 2010-2013), qui a injecté du CO₂ dans un ancien gisement de gaz pyrénéen. Mais le projet a été interrompu, faute de viabilité économique et de soutien politique. Aujourd’hui, la France regarde de près les coopérations européennes, mais reste prudente. EDF et ArcelorMittal explorent la piste, mais aucun projet industriel de grande ampleur n’est encore lancé. En clair : beaucoup de discours, peu de réalisations.
Bref, les projets concrets existent, mais ils se comptent sur les doigts d’une main. Leur impact reste marginal, leurs coûts faramineux, et leur acceptabilité sociale fragile. Les industriels doivent donc les considérer comme des solutions ponctuelles et ciblées, pas comme un pilier universel de décarbonation.
👉 C’est exactement la logique que nous défendons : éviter le piège du techno-solutionnisme et arbitrer avec lucidité entre des options coûteuses et des leviers immédiatement efficaces. C’est d’ailleurs ce que nous détaillons dans notre étude de cas sur la réussite d’une transition écologique en PME industrielle.
Alors que l’hydrogène et la captation de CO₂ monopolisent l’attention et les milliards, l’efficacité énergétique reste le parent pauvre de la transition. Moins “sexy”, moins médiatique, elle ne fait pas rêver les ministres en quête d’annonces spectaculaires. Pourtant, c’est probablement la solution la plus immédiate, la plus rentable et la plus sous-exploitée pour réduire les émissions industrielles.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’Agence Internationale de l’Énergie (2022), 40 % des réductions d’émissions industrielles possibles d’ici 2030 pourraient provenir de mesures d’efficacité énergétique déjà disponibles. Concrètement :
Récupération de chaleur fatale dans la sidérurgie et la chimie.
Optimisation des procédés (par ex. modernisation des fours ou réduction des pertes thermiques).
Automatisation et pilotage numérique pour ajuster la consommation à la demande réelle.
Et le plus frappant : ces solutions offrent souvent un retour sur investissement en moins de 5 ans, alors que les infrastructures hydrogène ou CCS nécessitent des décennies pour devenir rentables.
👉 C’est la raison pour laquelle j’insiste toujours auprès de mes clients : avant de céder aux promesses technologiques, il faut exploiter d’abord les gisements les plus évidents.
L’efficacité énergétique souffre d’un problème d’image : elle paraît trop banale pour être stratégique.
Pourtant, c’est précisément cette banalité qui en fait sa force. Remplacer des moteurs obsolètes, isoler des conduits, moderniser des systèmes de refroidissement, optimiser les compresseurs d’air… Ce sont des opérations peu médiatiques, mais leur impact est direct.
Un exemple : une aciérie allemande a réduit sa facture énergétique de 15 % en installant un système de récupération de chaleur fatale pour préchauffer ses matières premières. Temps de retour sur investissement : moins de 4 ans. Comparez cela aux dizaines de milliards nécessaires pour déployer un corridor transfrontalier de CO₂, ou aux subventions pharaoniques exigées pour faire émerger un hub hydrogène.
Les industriels qui se précipitent sur les solutions “grandes promesses” oublient souvent que leurs propres ateliers recèlent déjà des marges colossales. Chaque kilowattheure économisé est une tonne de CO₂ évitée, immédiatement et durablement. Pas besoin d’attendre 2040.
👉 C’est exactement la différence entre une feuille de route théorique et une stratégie opérationnelle. Beaucoup d’entreprises se piégent dans des plans séduisants sur PowerPoint mais inapplicables.
On présente souvent l’efficacité énergétique comme une affaire d’ingénierie, mais la réalité est plus subtile : le facteur humain est décisif. Dans une usine, ce n’est pas seulement la technologie qui détermine la performance énergétique, c’est la façon dont elle est utilisée, pilotée et entretenue.
Or, trop d’entreprises sous-estiment encore ce levier. Installer des capteurs intelligents ou des logiciels de suivi ne sert à rien si les équipes ne sont pas formées, si les données ne sont pas interprétées, si la direction n’intègre pas les résultats dans ses décisions. L’efficacité énergétique n’est pas une couche qu’on ajoute, c’est une culture qu’on construit.
Les exemples abondent :
Dans une usine pharmaceutique française, la mise en place d’un simple plan de management de l’énergie (ISO 50001) a permis une réduction de 12 % de la consommation en trois ans, sans investissements lourds, uniquement par une meilleure discipline opérationnelle.
Dans une fonderie espagnole, des ateliers de sensibilisation des opérateurs ont permis de réduire de 7 % la consommation électrique des fours, simplement en changeant les pratiques quotidiennes.
👉 Voilà pourquoi nous insistons sur l’importance du management dans toute transition. La technologie est un outil, mais la transformation est avant tout organisationnelle. J’ai consacré un article entier à ce point : la transition écologique est d’abord un défi managérial.
Sans implication de la direction et montée en compétences des équipes, les meilleurs équipements resteront sous-exploités.
On adore parler d’hydrogène, de captation carbone, de batteries révolutionnaires. Cela donne l’impression que la solution viendra d’un “grand soir technologique”.
Mais la vérité, c’est que la transition industrielle sera surtout une affaire d’arbitrages : choisir où la technologie est indispensable, et où seule la sobriété peut fonctionner. Cet arbitrage, peu de dirigeants veulent le formuler clairement, de peur de froisser investisseurs, politiques et clients.
Pourtant, c’est bien là que se joue l’avenir de la compétitivité industrielle européenne.
Le techno-solutionnisme, c’est ce réflexe pavlovien qui consiste à croire que chaque problème environnemental trouvera sa solution dans une innovation. Besoin de réduire les émissions ? Pas de souci, on inventera une machine pour les capter. Trop d’énergies fossiles ? On lancera un nouveau carburant miracle.
Ce biais est rassurant : il permet de continuer sans rien changer de fondamental, en promettant que la science et l’ingénierie régleront tout.
Mais c’est aussi un piège. Car ces solutions prennent du temps, coûtent des fortunes, et n’arrivent jamais à la hauteur des promesses initiales. Pendant ce temps, les émissions continuent d’augmenter.
👉 Dans notre pratique de conseil, nous voyons trop d’entreprises tomber dans ce piège. Elles rédigent des feuilles de route remplies d’acronymes et de technologies futuristes, mais oublient d’intégrer les actions basiques et immédiatement efficaces. Résultat : elles perdent des années. C’est exactement ce que nous dénonçons dans notre analyse sur les 80 % d’échecs des feuilles de route en transition écologique.
Quand on décortique les grands récits techno-industriels, trois angles morts reviennent systématiquement. Ils ne sont pas anecdotiques : ils déterminent si une stratégie est viable ou si elle n’est qu’une fuite en avant.
La plupart des grands projets hydrogène ou CCS n’existent que parce qu’ils sont alimentés à coups de milliards d’argent public. L’AIE (2023) estime que 80 % des investissements mondiaux en hydrogène sont soutenus par des subventions directes ou indirectes.
Le problème, c’est la soutenabilité de ces aides : combien de temps les États et l’Union européenne pourront-ils continuer à financer des filières qui peinent à prouver leur rentabilité réelle ?
Pour les industriels, bâtir une stratégie sur une telle dépendance, c’est accepter un risque systémique : celui de voir son modèle s’écrouler dès la fin des subventions.
Installer un électrolyseur géant, construire un pipeline transfrontalier de CO₂, développer une nouvelle génération de moteurs hydrogène… Ce sont des projets qui se comptent en décennies.
Or le climat, lui, n’attend pas. Le GIEC rappelle qu’il faut réduire les émissions mondiales de 45 % d’ici 2030 pour respecter l’Accord de Paris. Les solutions qui arriveront en 2040 ou 2050 sont nécessaires, mais elles ne peuvent justifier l’inaction dans la décennie actuelle.
Voilà pourquoi miser uniquement sur ces technologies à long terme est une stratégie de décalage permanent.
Enfin, il y a la question de la souveraineté. La plupart des composants clés des électrolyseurs, des batteries ou des technologies de captage proviennent d’Asie. Miser exclusivement sur ces filières, c’est renforcer une dépendance déjà criante aux importations de matières critiques.
Pour l’Europe, cela signifie que la “transition verte” pourrait reproduire les erreurs du passé : remplacer une dépendance aux hydrocarbures par une dépendance aux métaux rares et aux chaînes de valeur asiatiques.
👉 Ces trois angles morts devraient être au cœur des décisions industrielles. Les ignorer, c’est prendre le risque de bâtir une stratégie sur du sable. Dans nos accompagnements, nous aidons précisément les dirigeants à identifier ces zones aveugles pour construire une transition résiliente, comme nous le montrons dans notre article sur la gouvernance durable dans la transition écologique.
Le débat ne devrait pas être : “technologie ou sobriété ?”. Il devrait être : “comment combiner intelligemment les deux”. Voici trois scénarios possibles, avec leurs conséquences.
Les industriels misent tout sur l’hydrogène, la CCS et les innovations futuristes. Résultat ? Une dépendance accrue aux subventions, des délais qui repoussent sans cesse la vraie réduction d’émissions, et un risque de désillusion massif si les promesses ne sont pas tenues. En résumé : beaucoup de PowerPoint, peu de CO₂ évité à court terme.
Ici, on décide de miser uniquement sur l’efficacité énergétique, la réduction de la demande et la transformation des usages. C’est radicalement plus efficace à court terme, mais cela a une limite : certaines industries lourdes (acier, ciment, chimie) ne pourront pas atteindre la neutralité carbone sans innovations lourdes. Ce scénario maximise les gains rapides, mais compromet le long terme.
C’est le seul scénario crédible. Combiner :
des mesures d’efficacité énergétique et de sobriété massives, immédiatement déployables,
avec un investissement ciblé dans des technologies à fort potentiel pour les secteurs où il n’existe pas d’alternatives simples.
Ce scénario hybride permet de concilier court terme et long terme. Il suppose un pilotage exigeant : ne pas disperser les ressources, choisir les bons secteurs, et ancrer la transformation dans une gouvernance solide.
Ainsi, les industriels n’ont plus le luxe d’attendre. L’hydrogène vert, la captation du CO₂ et les projets pharaoniques de transition ne sont pas inutiles, mais ils ne peuvent pas constituer l’ossature de la stratégie à court terme. L’urgence, c’est d’abord l’efficacité énergétique, la sobriété et une gouvernance qui fixe un cap clair.
Deux scénarios se dessinent :
Scénario d’inertie.
Les dirigeants continuent à miser sur les promesses technologiques, sans changer les fondamentaux. On attend que les subventions tombent, que les grands projets voient le jour, que les COP s’alignent. Pendant ce temps, les émissions persistent, la compétitivité recule, et l’Europe devient dépendante des importations technologiques et énergétiques.
Scénario de transformation assumée.
Les industriels acceptent le dilemme : investir dans les innovations nécessaires (hydrogène, CCS) mais uniquement là où elles sont pertinentes, tout en déployant massivement des mesures d’efficacité et de sobriété. Résultat : des gains rapides, une crédibilité renforcée auprès des régulateurs, et une compétitivité retrouvée à long terme.
👉 Le choix est brutal, mais il est simple. Miser sur les illusions technologiques, c’est repousser les problèmes. Assumer une stratégie lucide et mixte, c’est sécuriser l’avenir.
Ceux qui hésitent encore devraient se souvenir que la transition écologique n’est pas une option morale : c’est la condition de survie de l’industrie européenne.
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